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    Hérésie d'être Noir

    LIVRE : Tribunal de l'histoire africaine

    Suite 1 :Tribunal de l'histoire africaine 

    Suite 2: Tribunal de l'histoire africaine

    Tome 2

    Prof. Pini-Pini NSASAY

    Suite 2 : Tribunal de l'histoire africaine
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    Suite 1 : Tribunal de l'histoire africaine

    Extrait, p. 126-12
    § - 2. La christianisation et l’apparition de l’Europe


    En effet, selon l’historien américain Patrick Geary, l’apparition de l’Europe s’est faite
    au milieu de la christianisation de l’Empire romain qui se situe entre la reconnaissance de la religion chrétienne par l’empereur Constantin, ce qu’on appelle l’édit de Milan de 313, et l’adoption par l’empereur Théodose I er , mort en 395, du christianisme comme religion officielle, religion d’État 11 . D’après Georges Minois, en faisant du christianisme la religion officielle de l’Empire, Théodose avait commis une faute aux conséquences incalculable

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    Car il ne se serait pas rendu compte de la nature totalitaire de toute religion monothéiste 12 . En effet, contrairement à la religion traditionnelle de l’Empire romain qui se prêtait à tous les compromis, le christianisme prônait le culte de l’unité : un dieu, une foi, un chef 13 . Ainsi comme pour la germanisation de l’Empire, la christianisation avait aussi fleuri au sein de l’Empire et l’avait infiltré sans qu’il ne s’en rendît compte.Au moment où l’Empire romain s’était coupé en deux, en 395, le christianisme étaitdéjà devenu la religion officielle que l’empereur Théodose avait rendue obligatoire. Cet acte impérial était inédit. Car même l’empereur Constantin qui avait donné à la pratique chrétienne de ses sujets un statut officiel n’était pas allé jusque-là. Il est resté lui-même fidèle à la religion traditionnelle jusqu’à sa mort. Ce serait sur son lit de mort, affirme Jacques Paul, qu’il aurait reçu le baptême des mains d’Eusèbe, évêque de Nicomédie, lequel avait d’ailleurs un penchant pour l’arianisme 14 . Il est vrai qu’après avoir promulgué l’édit de Milan qui autorisait officiellement, entre autres, le culte chrétien, Constantin avait aussi apporté son aide à l’Église chrétienne. Il s'était efforcé d’instaurer la concorde entre les fidèles. Ce fut dans ce cadre qu’il avait envoyé des lettres concomitantes à Arius et à l'évêque d'Alexandrie pour les prier de surmonter leurs divergences 15 .Selon L. Schneider et J.G. Deckers ce fut par pragmatisme politique, suivant en celason prédécesseur Galère, - et lui-même étant usurpateur - qu’il s’était appuyé sur le dieu des chrétiens parce que la persécution venait de montrer la foi ardente que ce dieu suscitait 16 . 

    10 Idem, p. 654.11 LE GOFF Jacques, op.cit., p. 53. Selon le professeur Akiri Sylla, le mot « Europe » vient du mot « Arabè » quisignifie Est d’après la graphie égyptienne elle-même qui date d’il y a 1500 ans BP ; mot qui dans de nombreuseslangues africaines veut dire « éléphant ». Le « U » d’Europe vient d’une variante du même mot « Wa Araba » quien Malinke veut dire lionne (Horus). Et c’est bien cela qui est Europe. C’est une terre, un pays, transformé enfemme car en Afrique, depuis Isis, c’est aux femmes qu’est attribuée la fondation des agglomérations. La vachede la mythologie représente la femme. Ceci éclaire l’antériorité des Négro-africains, Pelasges, comme premiersoccupants de la Grèce et donc de l’Europe. Cfr S. AKIRI, De Phoenix à Mycènes : l’invention de l’Europe,https://www.youtube.com/watch?v=sC8mXpl6-bQ&t=9420s.12 Cette considération est discutable, pensons-nous. Car elle donne une explication un peu simpliste d’unesituation plutôt tragique. La conjonction du totalitarisme au monothéisme n’est pas absolue, encore faudra-t-ilbien définir ce qu’on entend par monothéisme.13 MINOIS Georges, op.cit., p. 80-81.14 PAUL Jacques, op.cit., p. 120 ; cfr BELLIARD Le Comte, BERTHIER Maréchal, De SAINT-VINCENTBory, De CHATRAUGIRON Marquis, D'AURE Comte, DESGENETTES Baron, DUTERTRE, DeFORTIA, D'URBAIN Marquis, SAINT-HILAIRE PERE ET FILS Geoffroy, SAINTINE X.-B, TAYLORBaron, De VAULABELLE A., Histoire scientifique et militaire de l'expédition française en Égypte d'après les mémoires,matériaux, documents inédits, Tome 1, Paris, A.-J. Dénain, 1830-1836, p. 297.15 PAUL Jacques, idem, p. 128.16 L. SCHNEIDER, J.G. DECKERS, « Dionysos der Erlöser ? », Römische Quartalschrift, N°81, 1986, p.145-172,cité par BROWN Peter, op.cit., p. 39-40.

    Il était, quant à lui, persuadé de son droit divin à exercer le pouvoir suprême. Il jugeait expédient d’avoir des égards à la fois pour le Christ et pour Apollon et d’utiliser l’imagerie apollinienne aussi pour ses convictions religieuses et pas forcément pour des motifs purement politiques 17 . D’ailleurs, les rituels du culte impérial ne furent guère bouleversés par sa « conversion ». Seule la justification de ce culte évolua. Par exemple, une statue de Constantin en Dieu solaire fut érigée et une statue plus petite était promenée sur l’hippodrome. En plus, on s’agenouillait devant l’empereur qu’on appelait diuinus. D’autre part, la célébration des calendes de janvier auxquelles le culte de l’empereur était associé, donnait lieu à une parade annuelle et à des danses dans les rues 18 . Son rapprochement avec la secte juive chrétienne était donc un calcul politique. Mais il eut des conséquences énormes notamment concernant la recomposition socio-politique de l’Empire particulièrement après la prise de pouvoir par Théodose I er .

     

    Extrait, p. 171-175§ - 3.

    La nouvelle organisation socio-administrative instaurée par l’Église

    Désormais, vivre dans un espace déterminé équivalait à vivre dans une paroisse donnée et être chrétien. Personne ne pouvait plus vivre autrement. C’était la consécration de l’église dans une entité qui déterminait sa délimitation territoriale. C’est ce qui explique la présence nombreuse des églises et autres édifices religieux dans l’immense majorité des villages et villes de l’espace européen encore actuellement ainsi que les innombrables noms des saints donnés à divers lieux, agglomérations ou autres comme les montagnes (Mont Saint-Michel, montagne Sainte-Géneviève, mont Sainte-Odile). Car autrement, les villages et les divers lieux ne pouvaient plus ni se concevoir ni exister. En réalité l’Église s’était arrogé le rôle de fondement de toute existence, celle des hommes, de la faune ou encore de la flore sous le nom de Dieu. Dans ce cadre, les espaces paroissiaux étaient bornés et conçus comme des contenants. Autrement dit, l’église ou la paroisse constituait autant la limite que le pôle central. Les délimitations territoriales étaient effectuées par les évêques comme l’exprime cet arrêt épiscopal datant du IX ème siècle : « Moi, l'évêque Nantigisus, je consacre ces églises et je leur confère le droit paroissial (parrohechiam) depuis le fleuve Azeste jusqu'au Mont Saint et depuis les Quadrons jusqu'à la montagne de Petreio et jusqu'à la villa Mesata et au village Lodovese avec ses limites et ses dépendances, afin que tous ceux qui travaillent sur ce territoire (terminium) apportent à ces églises toutes les dîmes et les prémices (qu'ils doivent) sur toutes choses » 19 .
    Contrairement à ce qui a été longtemps admis, soutient Élisabeth Zadora-Rio, le processus de territorialisation de la paroisse a commencé vers le IX ème siècle. Ce fut vers 1250 qu’il fut institué par le droit canon. La paroisse y est définie comme un territoire circonscrit par des limites reconnues, qui constitue à la fois le cadre de vie des fidèles et le ressort dans lequel s'exerce le droit spirituel de l'Église. Ce fut par ce moyen d’accaparement des espaces de vie des gens que l’Église diffusa son message sur l’ensemble de l’espace vernaculaire européen, ancien Empire romain, et agit directement sur les consciences individuelles. Elle alla jusqu’à interdire aux gens leurs langues et leur en imposer d’autres, jusqu’à réorganiser leurs espaces de vie faisant des personnes, non plus des membres de telle ou telle communauté, d’un clan, d’un village ou d’une ville, mais des fidèles, c’est-à-dire des soumis 20 .

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    17 CHUVIN Pierre, op.cit., p. 34.
    18 FRAÏSSE Anne, op.cit. Dans les années 410, « un évêque d’Orient demanda à sa communauté lors de la fête
    d’un martyr : “Quelle offrande apporterons-nous au martyr, quel cadeau de remerciement ? (…) Dansons pour
    lui, je vous prie, comme nous avons coutume de le faire“ ». MACMULLEN Ramsay, op.cit., p. 145.
    19 ZADORA-RIO Élisabeth, Territoires paroissiaux et construction de l'espace vernaculaire, Médiévales.2., n°49 Paris,
    2005, [En ligne], http://medievales.revues.org/1306.

    Et ce furent les curés, non plus les oncles ou autres chefs, qui organisèrent la vie des gens, laquelle s’articula autour des sacrements dont le mariage comme uniques préceptes de vie individuelle et sociale 21 .
    Ce dernier reçut de l’Église des nouvelles prérogatives, celles qui subsistent dans l’Europe nouvelle depuis lors et jusqu’à nos jours, sans grand changement. Le mariage devint monogame et indissoluble par la volonté de l’Église. La polygamie en vigueur et maintenue par l’aristocratie fut interdite. Le mariage n’était plus un contrat civil. Il devint affaire religieuse sous la surveillance étroite de l’Église. C’est elle qui édicta que l’union entre l’homme et la femme devait se faire par consentement mutuel. Ce qui annulait les mariages arrangés pratiqués jusqu’alors, quoi que le consentement n’y fut pas nécessairement
    absent, mais encadré 22 . Et ce fut à partir du XII ème siècle que le mariage entra sur la liste des sacrements que seuls les prêtres pouvaient administrer. L’Église assura son contrôle strict en établissant la publication rendue obligatoire par le 4 ème  concile de Latran en 1215 des bans affichés dans l’église où devait avoir lieu la cérémonie 23 .
    Il y eut aussi l’Eucharistie, sacrement quotidien ayant presque la valeur d’un fétiche efficace. Car le peuple considérait le pain consacré comme possédant une efficacité magique, celle d’un pouvoir incomparable. Ils croyaient sans réserve à la transsubstantiation. De nombreuses histoires couraient sur les châtiments infligés à ceux qui avaient voulu en faire un usage sacrilège 24 . Par exemple, apprenait-on, « Pendant la persécution dirigée contre les
    hérétiques des provinces rhénanes par l’inquisiteur Conrad de Marburg, en 1233, un condamné refusa obstinément de brûler, malgré tous les efforts des zélés exécuteurs, jusqu’à ce qu’un prêtre avisé apportât une hostie consacrée sur la pile de bois qui flambait. Aussitôt le charme qui protégeait l’hérétique fut rompu par un charme plus puissant et le misérable ne tarda pas à être réduit en cendres » 25 . Ainsi donc depuis le territoire qu’il avait subjugué, à
    savoir l’ancien Empire romain devenu l’Europe nouvelle, la nouvelle organisation du christianisme, l’Église, affichait ainsi son ambition de réorganiser la destinée de l’humanité.
    Elle se donnait des pouvoirs nécessaires à la réalisation de cette tâche si importante à ses yeux. Pour cela, elle institua la confession auriculaire et individuelle afin de réguler les consciences. Comme le mariage, l’eucharistie ou le baptême, la confession devint aussi l’apanage exclusif des prêtres. À cet arsenal juridique nouveau s’ajoutait le sacrement des malades ou l’onction des malades ou encore l’extrême-onction, appelé également
    derniers sacrements. Il était présenté comme indispensable au salut des âmes 26 . 

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    20 Idem
    21 Selon Saint Thomas d’Aquin, « le sacrement c’est ce qui est ordonné à signifier la sanctification, laquelle comporte trois aspects : sa cause, la passion du Christ ; sa forme, la grâce et les vertus; sa fin ultime, la vie éternelle. Il remémore la cause passée, la passion du Christ ; manifeste l'effet de cette Passion en nous, la grâce ; et prédit la gloire future, et c’est Dieu ou l'institution divine qui le détermine. En l’homme, composé d'âme et de corps, le sacrement est un remède qui, par la chose visible, touche le corps, et, par la parole, devient un objet de foi pour l'âme. Aussi, lorsqu'on dit : “je te baptise“ cela veut dire que par le baptême l'eau signifie purification spirituelle. » Cfr SAINT THOMAS D’AQUIN, Docteur de l’Église, Somme théologique, Le christ, les sacrements jusqu’à la pénitence, Paris, édition numérique, bibliothèque de l’édition du Cerf, 1999, http://docteurangelique.free.fr, 2004. Pour Elian Cuvillier et Jean-Daniel Causse, le sacrement chrétien est un signe comme quelque chose que l’on fait, à quoi l’on procède et qu’on donne à voir. « C’est ce qui rend présent un absent, sans occulter son absence, sans la démentir. Il est question de l’absence du Christ. Le sacrement est une institution de l’absence. C’est parce qu’il n’est pas là qu’il y a des sacrements, d’où ce lien central avec une
    mémoire, une actualisation ou une capacité de rendre présent ce qui a été ». Cfr CUVILLIER Elian & CAUSSE Jean-Daniel, Traversée du christianisme. Exégèse, anthropologie, psychanalyse, Paris, Bayard, 2013, p. 231-233.
    22 Ailleurs, et notamment en Afrique, on parle de mariages par alliance ou mariage préférentiel, par exemple le Kétwil chez les Bayansi. « Il y a Kétiul (Kétwil) lorsque le grand-père maternel de la fille est en même temps oncle maternel du garçon ». De BEAUCORPS Pierre, op.cit., p. 46.
    23 Le Goff Jacques, op.cit., p. 136-137.
    24 LEA Henri-Charles, op.cit., p. 54.
    25 Idem, p. 53-54.
    26 Idem, p. 32.

    Dès lors, soutient Henri-Charles Lea, « En dehors de la surveillance des affaires de foi et de discipline, de mariage, d’héritage et d’usure, qui leur appartenaient de par le consentement général, il y avait relativement peu de questions humaines qui n’impliquassent pas quelque cas de conscience et, par suite, l’intervention d’une autorité spirituelle - d’autant plus que les contrats étaient généralement confirmés par des serments. L’hygiène des âmes nécessitait une enquête perpétuelle touchant les aberrations, réelles ou seulement possibles, de chaque brebis du troupeau. On conçoit l’influence énorme qu’assurait à l’Église la possibilité d’intervenir dans toutes les affaires privées. Non seulement le plus humble prêtre disposait d’un pouvoir surnaturel qui l’élevait au-dessus du niveau de l’humanité, mais sa personne et ses biens étaient également inviolables » 27 . C’est ainsi que l’Église réalisa son ambitieux programme, sa vision du monde si particulière.

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